Paisley est l’une des plus grandes villes d’Ecosse, et elle se situe à un jet de pierre de Glasgow. Pourtant, on n’en entend que très peu parler. Paisley est la 5ème plus grande ville d’Ecosse, derrière
Edimbourg,
Glasgow,
Aberdeen et
Dundee, mais elle n’a pas le statut de « city », comme si on l’avait oubliée. Pourtant, je vous conseille sincèrement de visiter Paisley.
Paisley a un centre-ville plus qu’agréable et une histoire au moins aussi passionnante que d’autres coins du pays. A-t-elle souffert de l’ombre portée de Glasgow ? Ou bien… Est-ce encore le coup de la malédiction des sorcières, qui aurait été jetée, selon une légende, sur Paisley au 17ème siècle ? A coup sûr, visiter Paisley est une bonne idée si vous passez plusieurs jours à Glasgow ou si vous êtes en route pour la côte de l’Ayrshire.
Toutes les photographies de cet article ont été mises à ma disposition par l’excellente équipe de
Paisley.is, merci à eux !
Pourquoi visiter Paisley ?
Même si, lors de l’écriture de cet article, ni vous ni moi ne pouvons voyager en Ecosse, je profite du moment pour écrire un petit guide urbain de Paisley. Au début de l’année 2020, j’étais dans les starting-blocks pour terminer ma formation de guide « Blue Badge ». Parmi des examens divers et variés, nous avons dû préparer une visite guidée pédestre de Paisley. Ca a été l’occasion, pour moi, d’apprendre à connaître cette ville. A la même période, j’ai aussi rencontré Agathe, qui a élu domicile à Paisley et qui adore cette ville, ce qui m’a donné encore plus envie d’apprendre des choses sur Paisley !
Avant ça, j’ai passé deux ans sur un bureau en face d’un ami et collègue natif de Paisley. Il n’avait pas que des bonnes choses à dire sur sa ville natale. Etant moi aussi née dans une ville industrielle regardée de haut par les autres – Mulhouse – je ne pouvais que le comprendre. Il m’a fait découvrir Shogun, un jeune rappeur à la diction impressionnante, et m’a appris que quelques célébrités avaient commencé leur chemin à Paisley : Gerald Butler, Paolo Nuttini… Et avant eux, par exemple, le poète Robert Tannahill, dont vous connaissez peut-être l’air Wild Mountain Thyme et son refrain envoûtant : Will you go, lassie go ?
Comment se déplacer pour visiter Paisley ?
Bon, en réalité, si vous prenez l’avion pour Glasgow, vous atterrissez à Paisley. Mais il est facile de ne pas s’en rendre compte. Cela dit, Paisley est très facile d’accès, au départ de Glasgow. Si vous êtes en centre-ville, le train de Central Station à Paisley (Gilmour Street) prend litéralement 10 minutes. Aucune excuse !
Par ailleurs, le bus 38, qui part aussi de Central Station, prend environ 40 minutes. Vous découvrirez un bout du Southside de Glasgow : le quartier d’Ibrox et son stade, le parc de Bellahouston où l’on peut visiter House for an Art Lover, conçue par Charles Rennie Mackintosh et Margaret Macdonald mais construite cent ans après…
Une fois dans Paisley, il est très facile de se déplacer uniquement à pied : le centre-ville est assez compact et une belle place est laissée aux piétons. La visite va suivre deux grands thèmes : l’histoire médiévale de Paisley, autour de l’abbaye, et l’héritage industriel de Paisley, autour des filatures.
Premier arrêt : l’abbaye de Paisley
Quand, sur Twitter, j’ai évoqué l’idée d’écrire sur Paisley, beaucoup de réponses donnaient le même son de cloche : « on ne connaît pas bien, mais il y a une belle église ». Et cette église, c’est même une abbaye ! Encore une bonne raison de visiter Paisley.
L’abbaye de Paisley, un pan de l’histoire écossaise
Ca va être difficile de résumer l’histoire de cette abbaye, tant elle est centrale dans l’histoire écossaise en général et liée à la dynastie des Stuart. Bon. On va essayer. Ce que vous voyez derrière vous est l’église d’une abbaye dont les autres bâtiments ont disparu. Au 12ème siècle, on entreprit la construction d’un prieuré ici-même, qui devint rapidement une abbaye (par « rapidement », comprendre : en moins d’un siècle). Bref, à cette époque, tout allait bien. C’était sans compter sur l’attaque d’Edouard 1er d’Angleterre au début du 14ème siècle, qui détruisit presque entièrement l’abbaye.
Photo John Cooper
Elle fut reconstruite immédiatement. Juste à temps pour permettre à une autre histoire vraiment dingue de se dérouler. Avant de détailler tout ça, petit rappel : vous connaissez Robert the Bruce, roi d’Ecosse depuis 1304. Comme ses prédécesseurs, et ce depuis le 12ème siècle, le roi d’Ecosse a un « Steward ». Une sorte de bras droit, de premier ministre, d’assistant, appelez ça comme vous voulez. Ce personnage important a beaucoup de pouvoir et assiste le roi dans les affaires domestiques. Le rôle de steward fut, dès le début, héréditaire. Et peu à peu, ces stewards adoptèrent tout simplement Stewart comme nom de famille, que l’on traduisit Stuart en français.
L’arrivée des Stuart sur le trône écossais
Bref. Revenons à notre ami Robert the Bruce. Il se trouve que sa fille aînée, Marjorie, épousa le steward du roi. Elle tomba bien vite enceinte, et l’histoire de son accouchement – quelles que soit les versions – aura changé à jamais l’histoire de l’Ecosse. Attention, là, on commence à prendre des pincettes, tant il est difficile de séparer les faits des croyances. Marjorie, enceinte jusqu’au cou en 1316, aurait eu un accident de cheval non loin de l’abbaye de Paisley. Elle y aurait été transportée en toute urgence, et y donna naissance de manière prématurée à son fils, Robert. Certains ouvrages parlent même d’un accouchement par césarienne. Selon les sources principales, Marjorie n’aurait pas survécu à cet accouchement dramatique. Elle est aujourd’hui enterrée à l’abbaye de Paisley.
Mais tout ne s’arrête pas là ! Une dizaine d’années plus tard, Robert the Bruce décède et c’est son fils David qui prend la couronne. Mais comme ce dernier mourut sans enfant, après 40 ans de règne, c’est le fils de Marjorie qui hérita de la couronne. C’est à ce moment-là que la famille Stuart accéda au trône.
Bon. Si vous arrêtez votre lecture là, je ne vous en voudrai pas : c’est un gros morceau !
La rénovation de l’abbaye
Si certaines parties du 14ème subsistent encore, l’abbaye a été profondément rénovée au 19ème siècle. Si vous vous tenez en face de l’abbaye, avec la porte sur votre gauche, vous pourrez voir les restes d’un cloître, aujourd’hui presque à moitié détruit.
Comme tous les bâtiments anciens, une telle abbaye a besoin d’être constamment rénovée. Si vous ouvrez bien les yeux, vous découvrirez une petite blague de maçon, sur la façade de la cathédrale.
Voyez-vous une gargouille qui n’a pas trop l’air de dater du Moyen-Âge ? Eh oui, c’est une sculpture inspirée par le film Alien !
Autre info intéressante : dans les années 90, on a découvert, sous l’abbaye, un tunnel… Qui était en fait une sorte d’égout. Des recherches archéologiques ont permis d’y découvrir beaucoup d’objets, de plusieurs époques, et de mieux comprendre la construction de Paisley à travers les âges.
Photo John Cooper
Deuxième arrêt : la rivière et Anchor Mill
Avant de vous éloigner de l’abbaye, approchez-vous de la rivière Cart. En jetant un oeil vers la gauche, vous apercevrez un immense bâtiment de briques rouges. C’est l’un des bâtiments restants de Anchor Mill, un immense complexe industriel du 19ème siècle où l’on fabriquait du fil. C’était une filature, mais pas seulement ! Aujourd’hui, elle a été complètement rénovée et transformée en logements. Ca donne envie, non ?
Anchor Mill. Photo – Paisley.is
Deux grandes familles ont sculpté l’histoire textile à Paisley. D’un côté, la famille Clarks, qui ouvre une petite filature au début du 19ème siècle. La force de la rivière Cart actionnait les moulins de l’usine. La demande de fil pour usage domestique est alors en train d’exploser dans toute l’Europe. D’ailleurs, du côté de Mulhouse, peu ou prou à la même période, c’est DMC qui s’éloigne un peu de l’impression sur étoffe qui a fait son succès pour se lancer dans le fil à broder.
A Paisley, la famille Coats, qui avait commencé dans le fil à broder et les châles en dentelle se lancent aussi dans la filature et deviennent peu à peu la plus grande entreprise, jusqu’à racheter leurs concurrents de Clarks.
Le Paisley pattern, ou « motif cachemire »
Paisley fut aussi une ville de tisserands, connue sur toute la planète pour les fameux « châles de Paisley », en laine ou en soie, qui étaient tissés à Paisley. Plus de 7000 personnes, à la moitié du 19ème siècle, travaillaient dans cette industrie du tissage.
Bien sûr, on parle souvent du Paisley pattern, que l’on appelle parfois « le motif cachemire » ou « liberty » en français. Personnellement, j’utilise plutôt l’appellation « motif de hippie », je crois que tout le monde comprend 🙂 De la reine Victoria à vous et vos bandanas, on en a tous porté !
Ce joli motif originaire d’Inde a décoré nombre de châles fabriqués à Paisley, d’où ce nom. A Paisley, on a tout simplement copié les modèles indiens. Les châles tissés à la main, en Inde, coûtaient très cher, et seuls quelques monarques ou aristocrates pouvaient s’offrir de tels châles. Quand la production débuta à Paisley, les châles tissés coûtaient également un certain prix, puisqu’il fallait une à deux semaines pour les tisser. Puis arriva le Paisley imprimé, qui permit de créer des châles plus légers, plus rapides à faire et bien moins chers. La popularité de ce motif s’accéléra encore… Si l’histoire de ce motif vous intéresse, je vous conseille de jeter un oeil
à cet article très précis (en anglais).
Je n’ai jamais pu visiter le musée de Paisley (il était en travaux déjà avant la pandémie) mais je sais qu’on y conserve une collection incroyable de châles fabriqués à Paisley. L’occasion de réaliser que, si le Paisley pattern est en effet important, la créativité de la ville ne s’arrêtait pas là !
Deuxième arrêt : c’est quoi, un cénotaphe ?
Laissons la cathédrale et approchons-nous de la place du marché. On la repère très vite, grâce à l’étrange sculpture qui trône en son centre. C’est en fait un monument aux morts, que l’on appelle un cénotaphe. Attention, c’est le mot compliqué de cet article : un cénotaphe, c’est un tombeau vide, en gros. Un monument funéraire qui ne contient pas de corps, à l’inverse du mausolée.
Celui de Paisley est un peu spécial. Il a été conçu par Robert Lorimer (le même architecte qui a dessiné l’immense mémorial que l’on peut visiter au sommet du château d’Edimbourg) et représente un soldat du Moyen-Âge sur son cheval, en chemin pour les Croisades. Il est entouré de quatre soldats portant les uniformes de la Première Guerre mondiale. Partir pour la Première Guerre mondiale, était-ce comme partir en croisade ? C’est la question posée par ce cénotaphe, inauguré en 1924. Près de 2000 hommes de Paisley ne revinrent jamais du front, ce monument leur est dédié.
Quatrième arrêt : l’église baptiste en mémoire de Thomas Coats
Après être passé devant l’observatoire de Paisley et quelques bâtiments de l’université, nous voici devant un autre bâtiment très important de Paisley. Le concept est un peu spécial : c’est une église, mais c’est aussi un mémorial. Construite à la toute fin du 19ème siècle, dans un style néo-gothique flamboyant (comme jamais), elle a été financée par la famille Coats en l’honneur de Thomas Coats, le cofondateur de l’entreprise dont je vous parlais tout à l’heure, mais aussi un philanthrope qui a financé beaucoup de choses dans la ville. C’est une église baptiste, la religion de la famille Coats. La religion baptiste est une branche du protestantisme. On y pratique le baptême à l’âge adulte, par immersion.
On considère que, pour les baptistes, cette église est la cathédrale d’Europe. Ces dernières années, elle a eu besoin de beaucoup de rénovations et elle est fermée en ce moment.
Cinquième arrêt : Sma’ Shot Cottages
On s’éloigne un peu de l’axe principal pour aller se promener du côté des Sma’ Shot Cottages. Engageons-nous dans la petite Sma’ Shot Lane, avec, sur la gauche, des bâtiments des années 2000, et sur la droite, des maisonnettes construites en 1750 ! Ces cottages étaient habités par des familles de tisserands. L’un d’eux est ouvert aux visiteurs (ou du moins c’était le cas « avant », il faudra que je revienne mettre à jour tout ceci quand on pourra reprendre les voyages) et on peut y découvrir un métier à tisser et l’intérieur d’une famille de Paisley du 19ème siècle. Ca vaut vraiment le coup de passer dans les parages !
Photo John Cooper
Sixième arrêt : le mémorial des sorcières de Paisley
Nous avons parlé du Moyen-Âge et de l’époque industrielle, en oubliant un pan important de l’histoire de Paisley : au 17ème siècle, l’un des plus grands procès de sorcellerie s’est déroulé dans la ville. Je vous la fais courte, car c’est toujours un peu la même histoire. En 1697, une petite fille de bonne famille, Christiane a d’étranges crises et attaques d’épilepsie. Plusieurs docteurs l’auscultent, avant de conclure que l’origine de ses maux n’est pas naturelle. La famille de Christiane pense alors que la petite a été envoûtée par des sorcières, dont leur servante. Ils accusent environ une trentaine de personnes, et après un grand procès, sept seront condamnées à mort, dont deux enfants. C’est l’un des derniers grands procès conduisant à l’exécution de personnes accusées de sorcellerie non seulement en Ecosse, mais en Europe.
Après le procès, Christiane reprit une vie normale et fit fortune dans l’industrie textile.
Pour se souvenir de cette histoire macabre un mémorial a été inauguré à Maxwellton Cross. Il s’agit d’une plaque circulaire métallique qui porte l’inscription « Douleur infligée, souffrances endurées, injustice faite ». Glacial.
Lors de l’exécution des accusées, l’une des femmes aurait lancé une malédiction contre les familles de toutes les personnes présentes. Il est de tradition, à Paisley, d’expliquer tous les problèmes par cette malédiction. Mais ce serait trop facile…
Visiter Paisley ? Oui !
On peut dire que je me suis bien étendue sur le sujet de Paisley. Je crois que j’ai eu envie de fournir un bon guide explicatif car cette ville, je crois, ne fait l’objet d’aucun article en ligne, et est en général traitée rapidement dans les guides touristiques. Je ne prétends pas que Paisley devrait être sur votre Top 3 des choses à voir en Ecosse. Mais si vous êtes sensible à l’histoire, si vous visitez l’Ecosse régulièrement, alors Paisley vous plaira. Surtout, il est important de noter que Paisley est très facilement accessible depuis Glasgow. C’est un merveilleux moyen de passer une après-midi.
Il y a aussi d’autres lieux intéressants sur lesquels je ne me suis pas étendue : la bibliothèque de Paisley, l’observatoire et le musée. J’ai déjà fait trop long mais sachez qu’il y a plein d’autres lieux à explorer !
Enfin, notez que je n’ai fait aucune recommandation d’hôtel, de restaurant ou de café. Cela pourra être fait dans une mise à jour prochaine, car je n’ai pas eu tant d’occasions de flâner à Paisley : lors de mes visites, j’étais très concentrée sur la préparation de ma visite pédestre. Si vous avez des suggestions à faire pour visiter Paisley, n’hésitez pas à le faire dans les commentaires.
Merci pour cette très chouette visite de Paisley, ça donne envie! Effectivement, on n’en entend pas souvent parler… Jamais je n’aurais dit que c’était une des plus grandes villes d’Ecosse!
J’ai beaucoup aimé l’explication sur l’origine du nom Stuart. 🙂
Et du coup j’y suis en fait déjà allée, car j’ai atterri à Glasgow la première fois que je suis venue en Ecosse! Mais ça ne compte pas 😉
Ah mais j’en ai des fils Anchor dans ma boite à broder !!! Avec l’ancre de marine sur l’étiquette : ça doit être ceux là ?!
Ça donne grave envie d’aller visiter Paisley.
Merci.
Hello Fanchette !
Mais ouais exactement ! Alors aujourd’hui je crois que les fils Anchor sont faits en Hongrie mais c’est là qu’ils sont nés 🙂 je trouve ça hyper drôle car je fais aussi de la broderie et j’ai un mélange de DMC et de Anchor. Je viens de Mulhouse, où DMC s’est lancé, et j’habite pas très loin de Paisley, la boucle est bouclée !