Il paraît que le gin connaît un renouveau et est très tendance depuis quelques années : on ne parle plus du petit gin and tonic de mamie, mais d’un alcool riche qui se décline en plusieurs cocktails. Et, surprise, l’Ecosse produirait plus de 70% du gin britannique. Je suis donc allée en savoir plus du côté de la distillerie d’Edinburgh Gin, une marque locale fondée en 2010.
Le gin, « un je t’aime moi non plus » à travers les siècles
La petite distillerie d’Edinburgh Gin, située à l’extrémité ouest de Princes Street, est discrète. On se faufile sous terre pour déboucher au paradis du gin. On m’invite à suivre la visite « Gin Connoisseur Tour », ça tombe bien, je suis curieuse, et je suis accueillie par Marie. Elle se lance dans une histoire hilarante du gin : si les techniques de distillation auraient été introduites en Europe par les Perses et les Arabes qui cherchaient avant tout à faire du parfum, ce sont les Hollandais qui, les premiers, utilisent les baies de genévrier pour faire un alcool fort et, apparemment, un peu puant (le Genever). C’est sur les champs de bataille que cet alcool passe de l’armée hollandaise à la britannique. Guillaume III, Roi d’Angleterre à l’époque, décide de donner le droit à tout le monde de distiller du gin en 1688. Son but : casser le commerce de cognac et de vin, venus de France. Ca marche très bien, puisque l’Angleterre sombre dans une sorte de gin-mania horrible et tragique pour la santé publique. « Les gens buvaient en moyenne trois pintes de gin à 80 degrés par semaine ». Dur.
Mais le gin perdra en popularité avec de nouvelles lois limitant le droit de distiller, des taxes sur l’alcool et… l’arrivée du café. De grandes campagnes satiriques montrent comment le gin détruit la vie quand… la bière est supposée rendre tout le monde heureux. Bon.
A l’époque victorienne, le gin devient la boisson officielle des officiers de marine, qui veulent se différencier des marins, qui boivent plutôt du rhum. Pour se protéger de plusieurs maladies, ils sont tenus de consommer une dose de quinine par jour, ainsi que du citron. C’est en décidant de tout mélanger avec du gin qu’ils inventent le fameux gin & tonic. La boisson devient très populaire, dans sa version anglaise, non sucrée. Très féminine aussi, puisque le gin est présenté comme bon pour la ligne. Oui, bon pour la ligne. Les maîtresses de maison se remplissent des petits « gin pigs », à savourer toute la journée.
Dernier obstacle pour le gin : l’arrivée de la vodka, présentée comme n’ayant pas d’odeur. La voix de Marie se casse presque quand elle raconte que James Bond, qui buvait du gin dans les romans, a été adapté à l’écran en… buvant de la vodka. Merci, le placement de produits…
Et enfin, aujourd’hui, le gin, c’est in. On en boit de plus en plus, mais de mieux en mieux. La qualité du produit, forcément, n’a fait qu’augmenter. On peut visiter plusieurs distilleries en Ecosse : la marque Edinburgh Gin, elle, existe depuis 2010.
Le gin, une recette complexe
Plusieurs gins sont produits dans la petite distillerie de Princes Street : le gin classique, la version « Seaside » parfumée aux herbes et aux algues, le Canonball, bien plus fort, et les « liqueurs » fruitées : framboise, sureau, rhubarbe et gingembre… Naturellement, on trouve aussi la version « St-Valentin » qui sent la rose et la version Noël qui sent les épices à Rois Mages.
Je suis étonnée par le nombre d’épices qui entrent dans la fabrication du gin : les baies de genévrier, la coriandre et les racines d’angélique sont un peu la « Sainte Trinité » du gin, m’explique Marie. A ça, se rajoute : de l’écorce d’orange et de citron, des clous de girofle (deux pour 150 litres de gin, on y va doucement), de la réglisse… Quelques herbes purement écossaises aussi : de la bruyère, des épines de pin et du « chardon-Marie » si j’en crois Google traduction (milk thistle).
Tout ce petit monde se retrouve dans les deux alambics de la distillerie, qui peuvent produire 150 litres de gin en sept heures, un jour sur deux (au milieu, on nettoie). Le passage dans l’espace de distillerie est assez rapide, juste le temps d’évoquer le cycle de production. La « tête » de l’alcool produit, bonne mais d’aspect un peu trouble, est conservée pour des cocktails. Le « coeur », lui, est envoyé pour une mise en bouteille à l’extérieur d’Edimbourg. La « queue », enfin, aux arômes un peu trop forts, est mise de côté et sera redistillée, une fois par le mois, pour atteindre la perfection. Depuis quelques semaines, Edinburgh Gin a ouvert une autre distillerie au coeur du quartier de Leith, dans une ancienne usine à biscuits. On y produit à présent les « liqueurs », du gin parfumé aux fruits (mes préférés).
La visite se termine avec une dégustation de tous ces gins si différents, et Marie me donne au passage des astuces pour les savourer et des idées de cocktails. On trempe les lèvres, on savoure… J’apprécie les différences entre tous les gins, toutes ses saveurs pourtant sorties d’une toute petite distillerie.
Bon. Il n’est pas encore midi et je suis seule face à tous ces verres de gin. Prochaine étape : trouver de quoi me remplir le ventre…
super idée, cette visite est très tentante !