Difficile à décrire, ce petit quelque chose qui fait que l’on se sent bien en Ecosse. Peut-être même que ce sentiment est le même que ressentent nos visiteurs, qui viennent, craintifs de la pluie, et qui repartent en ayant la sensation de laisser quelque chose ici. « Je reviendrai », disent-ils, et souvent, c’est le cas. Voilà un essai, sans grande prétention, de réunir les raisons de cette amourette timide et simple. Et pour changer, j’ai illustré cette petite note légère avec des images issues du compte Instagram French_Kilt.

Simplicité, convivialité

Sans réfléchir, je dirais que la première raison du coup de coeur, c’est la gentillesse parfois déconcertante des Ecossais. Il y a quelques semaines, encore, je traverse un centre commercial après huit harassantes heures de travail. Heureusement, la journée est belle et en ressortant du labyrinthe, je m’arrête pour écouter un choeur de jeunes chantant quelques-unes des fameuses « Christmas carols » britanniques. Ils sont très doués et leurs mélodies me redonnent de l’énergie. Je m’avance pour laisser quelques pièces dans leur chapeau, et sur le retour, une femme accroche mon regard. On se sourit. Elle est accompagnée d’un petit garçon en fauteuil roulant. « Ils sont géniaux, hein ? » je lui réponds alors avec enthousiasme qu’on ne peut rêver mieux, en sortant du boulot. S’en suit une petite discussion, la dame essaye de deviner mes origines à mon accent, et me lance un vive la France avant de me serrer dans ses bras. On se chuchote nos prénoms et en se tenant la main une dernière fois, on se dit adieu. Ce n’est pas feint, c’est juste simple, naturel, courtois. Ces petits instants sont ceux qui nous permettent de garder le moral quand les jours sont sombres et courts, quand le vent est mordant.

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Princes Street, à l’ouverture du marché de Noël…

Je pense aussi au chauffeur de nuit du bus 26. Quand je finis tard, c’est toujours lui qui est aux commandes du bus de minuit quinze. Au début, on se souriait simplement – et puis on a commencé à se demander comment on va. A présent, chaque semaine, il me demande comment s’est passée ma journée, si je ne suis pas trop fatiguée, ce que je vais faire le lendemain. Un soir, je lui ai demandé : « et toi aussi, tu termines bientôt ? » « Ah non, moi j’ai commencé il y a une demi-heure… » Voilà quinze ans qu’il travaille dans ce bus, toutes les nuits de la semaine. La prochaine fois, je lui demanderai son prénom. J’ai eu cette agréable impression dans d’autres pays qu’en Ecosse, mais pour moi, elle a vraiment beaucoup de valeur : être face à quelqu’un et se dire « on n’a pas forcément la même culture, mais on se comprend, on apprécie le fait de se croiser, tout simplement ».

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Souvenirs d’un mois d’août à Edimbourg…

 

Des paysages envoûtants

C’est peut-être l’attrait de l’Ecosse le plus simple à comprendre, même lorsqu’on est encore en France. Ses paysages à la fois lunaires et romantiques font la renommée du pays à travers toute la planète. Pour l’instant, je n’ai pas encore véritablement vu le nord de l’Ecosse, les Highlands, réputé pour être la vitrine des paysages écossais, ni les îles, mais je me délecte déjà des reliefs accidentés de la côte, près d’Edimbourg, et des forêts traversées par les trains. Récemment, le film Macbeth m’a vraiment bluffée sur la manière de filmer les paysages, c’était vraiment très réussi. Il me tarde donc d’aller me promener dans le Nord, mais en attendant, mes petites excursions dans le Sud de l’Ecosse m’émerveillent déjà beaucoup… Pourtant, cette région n’est pas toujours au menu des voyageurs.

Melrose Abbey, dans la région des Borders.

Melrose Abbey, dans la région des Borders.

 

Une ambiance presque littéraire

Entre les histoires de J. K. Rowling qui a écrit sa série Harry Potter à Edimbourg (en travaillant dans une auberge, j’en parle à longueur de journée, et un article de Camille arrivera bientôt sur le sujet), l’ombre de Sir Walter Scott qui plane sur la ville, les petits cafés mignons, et les polars de Peter May ou de Ian Rankin, vivre en Ecosse, pour moi, c’est un peu comme vivre dans un livre. J’ai l’impression de voir des citations partout. Dans la gare, sur le mobilier urbain. Sur mon lieu de travail, nous avons une citation de Irvine Welsh, issue du célèbre roman (dont l’intrigue se déroule à Edimbourg), Trainspotting.

“By definition, you have to live until you die. Better to make that life as complete and enjoyable an experience as possible, in case death is shite, which I suspect it will be.”

Les gens que je rencontre, un peu au hasard et au travail, sont de vrais phénomènes et beaucoup de ceux que je croise ont le physique de personnages de romans. L’accent aide. Beaucoup. Il y a peu, j’ai enfin découvert un café qui ouvrait tard quelques soirs par semaine (et par café, je veux dire petit café mignon, où l’on peut boire du bon thé, à la différence d’un pub). C’est Renroc Café, qui est un peu caché. Je l’avais repéré, un jour, parce qu’il est sur mon chemin quand je vais à Leith. Ses ardoises sont particulièrement drôles. J’ai échoué là un vendredi soir, après une dure journée à l’auberge. Je suis arrivée à cinq heures et je suis restée blottie dans un canapé jusqu’à 23 heures. Pilham, le patron, m’a tout de suite adressé la parole comme s’il me connaissait depuis quinze ans, me parlant de ses états d’âme. Il me dit qu’il est allé voir le match de rugby Edimbourg – Grenoble, le 13 novembre, où j’aurais aussi dû me rendre. On parle des attaques de Paris, ce même soir funeste. La soirée est vraiment agréable, et en sortant, j’ai l’impression d’avoir vécu quelque chose d’irréel.

Abbotsford, la maison de l'écrivain Walter Scott.

Abbotsford, la maison de l’écrivain Walter Scott.

 

L’histoire à portée de main

Je ne suis pas encore très au fait de l’histoire écossaise, très compliquée avec ses rois, ses reines, sa rivalité avec l’Angleterre, ses religions, tout ça. Mais j’aime découvrir le pays par le biais de son histoire, et franchement, ce n’est pas très compliqué. A Edimbourg, par exemple, on trouve des plaques à peu près partout. « C’est ici qu’a eu lieu la dernière exécution publique », lit-on quelque part sur le Royal Mile. A quelques pas, Holyrood Palace nous rappelle que la reine Marie Stuart a vécu juste ici.En visitant Sterling, cette impression ne fut que plus nette : à chaque coin de rue, minimum, une référence à William Wallace, un symbole de la résistance écossaise face au voisin anglais. Des références à Braveheart partout où l’oeil se pose. Ces hommages omniprésents ont au moins le mérite de laisser un souvenir précis de la bataille historique qui a eu lieu à Sterling. Et tant pis si on l’associe à Mel Gibson. Les cimetières, ici, jouent aussi un rôle important : ils sont nombreux, très anciens, et toujours intéressants à visiter. Le fait qu’un certain nombre de tombes semble toujours être à l’abandon donne aussi cette impression que le passé est là, tout près.

Un close de la vieille ville d'Edimbourg.

Un close de la vieille ville d’Edimbourg.

Personne, jamais, nulle part, ne viendra vous faire ch…

Vous voulez porter un turban jaune ? Soit. Vous êtes un homme mais les robes de flamenco, ça vous plaît ? Allez-y. A Edimbourg, aucun jugement ne sera à votre manière d’être, à ce que vous avez envie de faire. C’est un état d’esprit propre à tout le Royaume-Uni. Et croyez-moi, quand on vient de France, ça fait un bien fou. Une amie Coréenne a récemment pouffé de rire quand je lui ai parlé de cette impression que j’avais. « Mais non, c’est en France qu’il y a une liberté d’opinion sans limite, et que vous pouvez faire plein de trucs fous sans qu’on vous embête ! » Ouais. Tout est une question de comparaison, finalement, mais tout de même : le rapport au look est carrément différent, ici. Tout comme le rapport aux symboles. Au Lothian Buses Shop, par exemple, où l’on peut acheter des titres de transport, une femme travaille avec son voile sur les cheveux. Ca ne choque personne, la vie continue. Ceux qui ont envie de montrer clairement leur religion ne seront pas empêchés ou critiqués. Et je dois dire que ça donne un environnement calme, sans tension. Et ça fait du bien. Cette impression de « chacun fait fait fait ce qui lui plaît plaît plaît » m’a semblé encore plus forte durant le Fringe, le grand festival du mois d’août à Edimbourg, où il est parfaitement commun de croiser une dame déguisée en zèbre ou des gens presque nus dans la rue.

Tout est dit.

Tout est dit.

A Edimbourg, on n’a peur de rien.