Parfois l’impulsion d’une escapade c’est l’envie d’échapper au quotidien, la curiosité de découvrir un endroit jamais vu… Parfois c’est un petit truc tout con. Cette fois là, c’était d’aller faire un bonhomme de neige à Glen Coe, dans les Highlands.

IMG_2538

On venait d’acheter une voiture. Notre première voiture. C’était un grand moment car ça faisait quasiment un an qu’on envisageait de plus en plus sérieusement de sauter le pas. Après plusieurs semaines à regarder les annonces, nos quelques jours de vacances pris pour la fin d’année en objectif, on a craqué. Joyeux Noël.

Il y a un phénomène qui arrive relativement souvent dans toute une partie de l’hémisphère nord quand janvier arrive. L’air est tellement froid que l’eau contenue dans les nuages se met à geler et provoque des épisodes que l’on dit être de neige. Concrètement, ça consiste en une chute plus ou moins dense de petits flocons blancs qui souvent s’amassent sur le paysage tel un manteau blanc.
Lorsque le promeneur arpente des chemins ainsi recouverts par cette couche blanche et poudreuse, un bruit très singulier se fait entendre. A mi chemin entre un grincement de bois et un craquement léger de céréales le matin.
Ce changement soudain de l’environnement, visuel et auditif, a tendance à titiller la créativité et ainsi provoquer l’accomplissement de performances voire d’œuvres artistiques ou tendant à l’être. Souvent cet effort créatif va se concrétiser en une superposition de boules de neiges pour créer une silhouette humanoïde baptisée couramment un « bonhomme de neige ».

En voyant sur les prévisions météo que de la neige allait tomber dans le nord de l’Ecosse, suivie d’une belle journée ensoleillée, on décide de se mettre en route. Pour Glencoe. Une vallée enchantée qu’on avait vue et revue sans se lasser, mais encore jamais sous la neige. C’était le moment. On emmène Sarah et une amie à elle venue pour le Nouvel An. Et on a un objectif : aller faire un bonhomme de neige à Glencoe.

Matin sucre glace

IMG_2544

Sur le vif…

Départ tôt. Dans le noir. On vient à peine de dépasser le jour le plus court de l’année ici. C’est un lundi je crois. Il n’y a personne sur la route, et on n’a pas oublié le thermos de thé. On contourne Edimbourg par le sud, on dépasse les Pentland Hills, puis rapidement arrivent Falkirk et ses Kelpies, deux têtes de cheval énorme sur le côté de l’autoroute faisant face à une ferme de centrales nucléaires de l’autre côté. On laisse passer Stirling et on fait une pause petit-déjeuner à Callander. Des rolls.
Le soleil se lève dans notre dos et on ressent le besoin de faire des pauses photos assez régulièrement, comme devant ce lac bordé par la lune.

Après Callander, voilà qu’arrive Crianlarich puis la très peu jolie Tyndrum et nous voilà bientôt à Glen Coe. Le soleil semble toujours se lever sans jamais atteindre son zénith et on sait, quelque part, qu’il ne l’atteindra jamais. Il joue avec le relief des collines qui encadrent la vallée et semble toujours présent mais sans jamais nous éclairer directement. La neige est là sur tous les sommets, mais uniquement les sommets. Elle s’arrête sur une ligne nette et égale qui donne l’impression que quelqu’un a pris l’Ecosse, la retournée et l’a trempée dans un bac de sucre glace sans l’enfoncer jusqu’au bout, et l’a replacée. Ça fait très joli.

On se gare comme d’habitude sur le parking de la station de ski de Glencoe Mountain. Le prix du remonte-pente nous rebute sachant qu’on ne passera pas la journée là, on décide de marcher un bout de la West Highland Way direction Bridge of Orchy. Je sais que par ce chemin là on arrive dans une énorme vallée sans une seule route à l’horizon et le magnifique Black Rock que j’espère être White, Blanco pour l’occasion. En été, on n’entend pas un bruit dans cette immensité, alors avec la neige j’ai hâte d’entendre ce que ça donne. J’espère aussi secrètement voir des biches ou des cerfs sachant qu’on en a souvent aperçu dans le coin.

IMG_2542

IMG_2514

Chemins blancs

On démarre la marche. Elle grimpe gentiment sur le flanc de la montagne abritant les pistes de ski. La neige n’est pas encore franchement présente. Il y a des restes de neige gelée ici ou là mais il va nous falloir aller plus loin encore. On fait une pause photo près d’un mur un peu plus enneigé, Camille teste la neige… Elle glisse, n’accroche pas, ça va être dur de faire un bonhomme avec cette neige. Déception. Mais on ne lâche pas l’affaire. On continue.

Le chemin commence à se couvrir de glace et de neige verglacée. Le paysage blanchi autant qu’il se gorge d’une lueur orange tandis qu’on passe de l’autre côté de la colline pour enfin faire face à ces rayons devenus si rares et précieux (mais pourtant parfois porteurs d’UV néfastes pour votre peau. En cas de doute, demandez conseil à votre pharmacien).

L’horloge nous rattrape. Il va bientôt être temps de faire demi tour mais l’on a pas coché deux de nos objectifs : le bonhomme de neige, et Black Rock. On commence par contre à cocher l’objectif secondaire et non désiré des chaussettes mouillées.

IMG_2526

Je pars en éclaireur. Je cours quoi. Pendant quelques minutes je me sens comme Elsa. Libéré. Délivré. La neige sur le chemin se fait de plus en plus épaisse et apporte ses potentielles plaques de verglas surprise, ou rochers ou flaque d’eau, mais j’ai les pieds aussi légers qu’un elfe tentant l’ascension du col de Caradhras. Le silence est absolu, seul retentit le bruit de la neige ou de la glace qui craque sous mes pieds. Régulièrement, un gloussement énorme se fait entendre à quelques mètres de moi sur le bord du chemin, et un faisan se met à battre des ailes pour voler loin de moi, visiblement très irrité d’être dérangé. Enfin, j’aperçois un bout de Black Rock et me pose sur un rocher sur le bord de la route parce que je trouve que ça ferait très bien pour une photo.

Les filles me rejoignent. On décide de faire demi tour. On marche sur nos pas, le soleil dans notre dos. Et peut être était-ce parce que l’on ne faisait que regarder vers la lumière à l’aller, ou parce que, plus vraisemblablement, il est apparu par magie entre nos deux passages, mais un bonhomme de neige se met à nous regarder du bord de la route. Signe du destin, des fées, ou de précédents randonneurs, c’est selon chacun. Mais pour nous la mission est accomplie. On a vu notre bonhomme de neige. On peut rentrer.
IMG_2521 IMG_2535

IMG_2523 IMG_2536 IMG_2531

Une photo publiée par @french_kilt le