Me voilà fraîchement rentrée d’un beau voyage dans les Hébrides extérieures, cet archipel au nord-ouest de l’Ecosse. Beaucoup de contenu sera proposé sur cette destination – il va falloir ruser pour ne pas mettre trop de photos de plages désertes – mais là, j’ai envie de commencer par un déballage à chaud de cette aventure insulaire, que j’illustre avec des photos partagées sur notre compte Instagram.
🚩 Pour vivre ce voyage dans les Hébrides extérieures différemment, craquez pour notre ebook poétique et illustré, disponible en un clic 🚩
Les Hébrides, tout un poème
D’abord, les Hébrides extérieures, c’était un mystère. C’était un lot d’îles pas souvent regardées, sur la carte de l’Ecosse. Tu parles de Skye, tout le monde localise. Tu parles de South Uist, c’est le gros blanc. Et puis j’ai eu envie d’aller voir ce qu’il y a derrière ce gros blanc. Quand j’ai dévoilé le projet, je vous ai un peu raconté ce que c’est, ces drôles d’Hébrides.
J’ai lu, pas mal lu. Peter May, c’était déjà fait, mais il y avait d’autres choses intéressantes à fouiner. J’ai trouvé un vieux bouquin datant de 1821 (merci les scans de Google, hein), Voyage en Ecosse et aux îles Hébrides, de Louis-Albert Necker. Juste pour rire. Avant même de mettre le pied dans l’archipel, j’étais déjà plongée dans un nuage d’influences, d’histoires, d’illusions à propos des Hébrides extérieures. J’avais même fait des tableaux Pinterest, c’est pour dire. En même temps, j’avais l’impression de débarquer sur une page blanche. Je ne suis pas très familière des îles en général. L’esprit insulaire m’est inconnu. En partant dans les Hébrides, il s’agissait de se confronter à ce fantasme de l’isolement, qui me fait palpiter autant qu’il m’effraie. Je prépare un texte sur le sujet sur Rita s’en va. Ici, ça serait étrange…
La chance comme compagnon de voyage dans les Hébrides
Voici l’équation de départ : voyager en transports en commun depuis Oban, à force de ferries, bus et pouces tendus, jusqu’à Stornoway (sur Lewis) et puis Ullapool (de retour sur le « continent »).
A Oban, le soleil est étincelant, et je me sens trépigner en attendant le ferry. De la jetée, on voit déjà des îles. Je pense à la chanson Jersey de Granville. « J’aimerais, j’aimerais prendre la mer vers… Mon Hawaï à moi ».
Mon Hawaï à moi, c’est Barra, d’abord, l’une des plus petites îles habitées de l’archipel. On arrive à la tombée du jour et on ne sait pas encore que… Nous ne verrons pas la pluie, jamais, pas une seule fois, durant les deux semaines où nous errions dans l’archipel. Et encore plus dingue, presque tous les jours dégoulinent de soleil, et même s’il fait doux, c’est un fantastique été indien que nous traversons, trop heureux, trop chanceux.
J’ai dit « presque » parce que dès la fin de notre premier jour à Barra, une tempête de vent se lève et empêchera tous les ferries de quitter l’île ou d’y arriver. C’est le début d’une drôle d’expérience dont je parlerai dans l’article consacré à Barra qui arrive : vivre avec le vent. Sans interruption, pendant plus de 30 heures, le vent a soufflé avec une force monumentale, s’introduisant partout, nous interdisant de nous mettre à l’abri. Il y a ce sifflement incessant que j’entends encore, quand j’y repense. On était coincés.
Pour la première fois, j’avais bien préparé chaque étape du voyage. Nous avons eu la chance de tester le pass Spirit of Scotland, il fallait donc voir quelles étaient les connexions possibles. Et puis grâce au réseau Scottish International Hostels, on a pu découvrir des hostels vraiment uniques. Et comme je ne pensais pas avoir accès à Internet (ou du moins pas trop) j’avais gardé dans ma poche les horaires de bus. Le challenge de chaque journée, finalement, était de relier l’hostel suivant, qui se trouvait en général dans un village perdu au bout d’une route. Fantastique aventure. Il a fallu parfois avaler le fait que nous ne pouvions pas aller dans tel ou tel coin pour des raisons logistiques. Mais c’est un choix. Tu prends une voiture ? Tu vas partout mais tu rencontres moins de gens. Tu pouces ou tu prends le bus ? Tu rigoles avec des vieux mais nan, ce petit phare au bout du bout, tu vas peut-être pas le voir. Bien.
Nous étions psychologiquement prêts à affronter la pluie, et on était même équipés. Mais je dois concéder que le beau temps a énormément apporté à notre expérience. Limite, il va falloir que j’y retourne pour « goûter la pluie » !
Des paysages et de l’âme, tant d’âme
Si j’avais assuré le côté logistique, je m’étais finalement assez peu penchée sur les merveilles naturelles qui jalonnent les Hébrides extérieures. Et c’est tant mieux. Le premier dimanche, à vélo sur l’île de Barra, j’ai ramassé ma mâchoire quinze fois tellement, à chaque virage, on tombait sur un panorama magnifique.
Et même, à la fin du chemin, sur un… aéroport pas comme les autres (oui, j’ai hâte de vous raconter).
Après les reliefs de Barra, nous avons eu comme un mal de terre en se retrouvant dans les plaines vides de South Uist. Une ruine, du vide, une maison, une autre ruine. Et rien. Aucun arbre puisque le vent ravage si souvent. Naturellement attirés par la côte ouest, on remonte progressivement vers le nord, pour passer sur l’île de Benbecula et sa mystérieuse plage qui pourrait contenir, loin sous le sable, le cercueil d’une sirène. Je vous raconterai, mais voici quand même la plage…
Puis viennent North Uist et Berneray, leurs phoques, les loutres qu’on a tant guettées mais jamais vues, les couchers de soleil. C’est déjà l’heure de passer sur Harris & Lewis, l’île la plus « célèbre » des Hébrides extérieures. Nos adieux à l’Atlantique, et déjà, l’excitant retour dans un semblant de ville, dans la vibrante Stornoway. A croire que le soleil fait butiner cette ville qu’on m’a parfois décrite comme grisâtre mais que j’ai juste adorée.
Les paysages restent nichés derrière mes paupières. Et souvent, je repense aux « Hébridéens » rencontrés sur le chemin. Les vivants, dejà. Les vieillards qui chantent dans les bus. Les chauffeurs. Les petites dames qui tiennent le magasin communautaire qui ferme à 16h mais parfois à 15h. Les tisseurs bedonnants. Les voyageurs, aussi. Les morts aussi, puisque j’ai visité chaque cimetière croisé ou presque. J’ai lu des noms, calculé des âges, eu des pensées pour des inconnus d’ici. Il y avait, à Benbecula, cette tombe d’un aviateur australien, tombé pendant la Seconde Guerre Mondiale. Mais que fait-il là ?
Il a fallu du temps avant de comprendre le concept de « croft ». Un terrain exploité par des fermiers. Bien que les paysages paraissent sauvages, tout est soigneusement délimité, et souvent, j’ai pesté contre les barbelés à sauter. Je pense que dans le temps, un « crofter » était ce qu’on aurait appelé un serf : il donnait une partie de sa récolte au lord propriétaire, n’était jamais vraiment propriétaire du terrain qu’il travaillait. Aujourd’hui, les crofts existent encore, on ne peut pas vraiment en être propriétaire, si je croise tout ce qu’on m’a dit là-dessus. La logique des crofts, ça donne des gens attachés à leur terre. C’est une manière d’organiser le territoire.
Ce système, quelque part, me fait penser à la distillerie Isle of Harris, qui produit du gin, et dans quelques années, du whisky. Elle se veut ancrée dans le territoire et a fait le pari d’embaucher et former des gens qui ont leur vie sur l’île. Malin. Encore une belle histoire à lire plus en détail bientôt.
Voilà la fin d’un bel article sans queue ni tête pour inaugurer une série « Hébrides extérieures » que je vais essayer d’organiser au mieux pour qu’elle soit utile aux lecteurs tout en étant jolie. Quelques jours après le retour, je me sens encore baignée de l’ambiance magique de Ces îles si profondément écossaises, mais qui aiment affirmer avec fierté et puissance leurs singularités.
Quel bel article de préambule… ça donne envie de revenir (sinon de partir pour cette destination…) J’ai hâte de lire la suite !
Merci ma Luciole <3 !
Vite la suite! Belle entrée en matière, une plume toujours aussi agréable à lire…
Très sympa ton premier reportage, surtout quand on est cloué à la maison pour cause de dechirure de tendon…, ce coin est aussi sur ma liste…
J’espère toujours,
Bises, Bernard
Oh non, pauvre tendon ! Remets-toi bien… Je t’attends à Edimbourg pour un petit haggis quand tu veux 🙂