Juste après Stirling, sur la route du Loch Lomond, la distillerie de Deanston sort de l’ordinaire – si tant est qu’on puisse utiliser le mot ordinaire en Ecosse. Ouverte en 1967 dans un ancien moulin, comme un pied de nez au déclin de l’industrie du coton, la distillerie produit aujourd’hui quatre fois plus d’électricité qu’elle n’en utilise et fabrique un beau whisky, que l’on trouve même en version bio.
Petit matin du mois de mai. Je viens de vivre mes premiers kilomètres au volant d’une voiture au Royaume-Uni, et – surprise – le monde ne s’est pas émietté. Ma copine Alice m’assène un sourire quand je coupe le contact sur le parking de la distillerie de Deanston, dont j’aime déjà les briques rouges, les hauts murs, son air de pensionnat de jeunes filles et la rivière qui dévale juste à côté.
Pour en prendre plein les yeux, jetez un oeil au reportage photo de Patrice Mestari, un photographe français basé à Edimbourg. Toutes ses collections sont absolument magnifiques !
Deanston, une distillerie de whisky différente
Je ne sais pas trop à quoi m’attendre : on m’explique que Deanston pourrait être décrite comme une « craft » distillery. Ca veut dire quoi ? Toutes les distilleries ne sont-elles pas artisanales ? Oui, pour la plupart. Mais celle-ci, elle mène de petites expériences intéressantes. Elle ose faire des petits pieds de nez à la nomenklatura du whisky, qui édicte des règles parfois trop précises, qu’il est parfois tentant de contourner. C’est le petit plaisir que s’offre la distillerie de Deanston. Dès le petit film d’introduction, j’apprends que l’on a développé, ici, pour la première fois, un whisky bio. Intéressant. Il va falloir creuser un peu.
Si beaucoup de distilleries plus anciennes ont commencé leur longue histoire en étant illégales, et donc cachées, ce n’est pas le cas de Deanston, dont le projet fut lancé dans les années soixante, pour remplacer un moulin de coton en fin de vie. De ce fait, les distillateurs eurent la chance de travailler juste à côté de la rivière, dont l’eau deviendra l’un des ingrédients du whisky tout en faisant tourner les turbines, permettant à la distillerie d’être totalement autonome en électricité. L’eau de la rivière permet d’actionner une roue qui va produire de l’énergie, qui servira à alimenter la distillerie. Le surplus, lui, est envoyé sur le circuit général. Malin, non ? Le premier whisky sort de la distillerie en 1974. Et depuis, à l’exception d’une fermeture dans les années 80, ça roule.
Alambics, tonneaux et part des anges
Lors de la visite, nous suivons notre guide à travers toutes les étapes de la fabrication du whisky. Le maltage de l’orge, le séchage… Les céréales arrivent à la distillerie prêtes à être broyées et sont ensuite envoyées pour être brassées dans ce qu’on appelle le mash tun, une grande cuve. A Deanston, c’est un peu spécial : cette cuve n’a pas de couvercle. C’est pourtant obligatoire depuis 1970… Il ne reste que six cuves de ce style, non couvertes, dans tout le pays, et celle-ci est la plus grande.
Mon moment préféré, c’est toujours la salle des alambics. Avec leur forme dodue, leurs reflets rutilants, je les trouve toujours très photogéniques. Le guide approuve mon intérêt pour cette salle mais me promet d’autres surprises. En effet : la distillerie de Deanston est l’une des rares, en Ecosse, où l’on peut assister à la mise en tonneau du whisky. Les employés font face à la cage du contrôleur fiscal (pour éviter qu’ils volent le précieux breuvage, les coquins), même quand il n’est pas là. C’est la tradition.
Notre guide nous entraîne ensuite dans le sombre hangar où sont conservés les tonneaux pour leur long sommeil, qui durera entre 3 et 40 ans. C’est un très bel espace, où s’affairaient autrefois les employés du moulin, dans une ambiance poussiéreuse. Aujourd’hui, tout est calme, le bruit des machines a depuis longtemps disparu. Seul reste le ronflement du whisky, qui attend son heure. Ces caves sont également un peu particulières : on y a trouvé quelques scènes du très célèbre film de Ken Loach, La Part des Anges. Très récemment, on y a aussi filmé quelques images de la célèbre série Outlander : une « wine party » dans la saison 2, me dit-on, ça dit quelque chose à quelqu’un ?
Expérimenter Deanston
Si la visite de Deanston Distillery m’a vraiment captivée, j’ai apprécié la variété des expériences proposées. Outre le tour classique, au sein de la distillerie, se terminant par une dégustation, il est possible de creuser d’autres aspects du whisky, et ça, c’est cool.
On peut par exemple opter pour un tour qui s’achève autour d’un tonneau, pour extraire du whisky et le goûter à cette étape-là de la préparation, avant de le mettre en bouteille. Sinon, les gourmands pourront choisir une dégustation mixant chocolat et whisky. Miam. Pour les gens comme moi, qui préfèrent peut-être les histoires aux saveurs, on peut également suivre une visite guidée qui sort de la distillerie, pour aller visiter le petit village de Deanston, où vivaient tous les employés du moulin, et pour se balader le long de la rivière Teith, qui donne son eau à la distillerie. Bucolique, non ?
Pour son côté relax, un peu rock’n’roll, un peu iconoclaste, je vous recommande vivement la visite de Deanston Distillery. Il est très facile de la visiter quand on chemine vers le Loch Lomond, où si l’on s’arrête à Doune Castle (fans d’Outlander, vous savez de quoi je parle… ). Depuis Stirling, c’est également très facile de s’y rendre. Il y a même des bus ! Aucune excuse.
Merci à l’équipe de Deanston Distillery de m’avoir invitée à découvrir ce lieu et son histoire. Même si j’ai pu visiter la distillerie gracieusement, j’ai écrit cet article, toute seule, comme une grande !