Lors du Festival international du film d’Edimbourg, j’ai eu l’occasion de voir le film Moon Dogs, réalisé par Philip John. Le pitch : Thor et Michael, demi-frères ou encore moins que ça, n’ont pas grand chose en commun si ce n’est un palier de la maison de leurs parents, isolée sur l’île d’Orkney. Un beau matin, sur un coup de tête, ils prennent la route pour Glasgow. L’histoire d’un cheminement où, comme d’habitude, on traverse des paysages, des états d’esprits, et finalement, on grandit.
Orkney et l’ouest écossais, l’écrin de Moon Dogs
Le film ouvre sur un plan large : une plage immense avec un couple qui progresse dans les bourrasques. En trois phrases, on a compris. Michael et Suzy sont en couple et projettent d’emménager à Glasgow ensemble, sitôt leur dernier examen passé. Mais si tout se passait comme on l’imagine au début d’un film… Il n’y aurait pas de film. Nous voilà propulsés dans le quotidien de Michael, adolescent turbulent, inquiet, boudeur. Une famille recomposée, plantée au milieu de nulle part, sur Orkney. C’est l’ennui. Alors que Suzy, qui a réussi ses examens, a déménagé à Glasgow et semble oublier son amoureux insulaire, Michael décide d’embarquer son demi-frère et de partir à sa rencontre.
Orkney, c’est un archipel tout au nord de l’Ecosse. Au sud des Shetlands… Mais très au nord quand même. En français, on parle parfois des Orcades pour désigner ces 67 îles dont seulement 16 sont habitées, par 20 000 personnes. Dans Moon Dogs, on ressent beaucoup l’influence « viking » qui reste dans la culture de l’île, notamment par le biais du père de Thor, qui se réjouit de participer à un grand événement culturel viking sur l’île.
Au fil du récit, Michael et Thor parviennent à rejoindre le continent, puis Glasgow. De Glasgow, on voit les rues branchées mais aussi les arrière-cours sales, les bar fumants et les gares routières. S’il est difficile de suivre toutes les îles où les trois amis s’arrêtent, on se régale de voir les paysages de l’Ouest écossais ainsi mis en avant et la vibrance de Glasgow vécue de l’intérieur par les personnages. Miam.
Des personnages attachants mais trop légers
Un film est souvent réussi quand il nous permet de « croire » en les personnages montrés à l’écran. Quand on se dit qu’on voit exactement qui ils sont, quand ils ont de la substance. Si certains personnages du film sont vraiment intéressants, d’autres, en revanche, sont un peu transparents. C’est le cas de Caitlin, qui, si elle est déstabilisante, manque cruellement de fond : on la rencontre lorsque les deux gars se font passer pour le groupe d’un mariage. Elle finit par s’enfuir avec eux, en ne sachant rien de leurs motivations. Comme si elle avait attendu ça depuis le début.
Au fil de l’histoire, on apprend à demi-mot que Caitlin veut aller à Glasgow pour donner un concert, ou au Celtic Connexion festival, on ne sait pas vraiment. C’est flou. Elle joue celle qui a eu la vie dure, qui se montre anarchiste, qui prétend avoir le contrôle surtout et qui a toujours un coup d’avance. Oui, mais. Oui mais ce n’est pas si convaincant que ça.
Le personnage de Thor, plus taciturne, est peut-être le plus intriguant et celui qui se dévoile le plus. Son dialogue, à base de « oui » et de « non » durant la première partie du film, s’étoffe : on apprend qu’il est hanté par l’absence de sa mère, qui l’a abandonné, petit. Le personnage de Caitlin aurait gagné à « progresser » de la même manière au cours du film.
Une histoire simple… mais réussie
Des films sur l’adolescence, il y en a plein. Moon Dogs tape en plein dans le mille avec ses personnages frustrés, perdus, qui -même s’ils payent le prix fort – reviennent grandis de leur épopée. On ne s’attend jamais à de grands coups de théâtre, et on ne ressent pas de déception quand on réalise qu’il n’y en a pas eu, que l’histoire a coulé, progressé, presque sans qu’on s’en rende compte.
Quand les deux ados quittent enfin l’île, le spectateur ressent une bouffée de liberté, une ivresse hilare, parce qu’il n’y a pas de plan, pas de solution, pas d’argent, et pourtant… Les héros atteignent calmement leur but. En prenant le temps. En faisant des détours.
Je suis sortie de la séance avec une agréable sensation de paix. J’ai passé un très bon moment à découvrir un film qui sait emmener son spectateur en douceur tout en lui offrant de vraies bonnes scènes, pleines d’humour.